Alina Kabaeva, gymnaste prodige devenue la femme discrète de Poutine

Alina Kabaeva, gymnaste prodige devenue la femme discrète de Poutine
Photo by ANTIPOLYGON YOUTUBE / Unsplash

Icône de la gymnastique rythmique, Alina Kabaeva a dominé son sport avec une grâce et une audace inégalées. Mais c’est aujourd’hui son lien supposé avec Vladimir Poutine qui la place au cœur d’un mystère d’État. Compagne discrète, mère de ses enfants selon plusieurs sources, elle incarne une figure insaisissable, entre culte de la performance et secrets du pouvoir russe.
Dans cette interview, Céline Nony, journaliste à L’Équipe et autrice de Alina, l’amour secret de Poutine, revient sur son enquête sensible au croisement du sport et de la géopolitique.

Une grande partie du livre retrace la carrière de la grande gymnaste qu'a été Alina. Quel est le profil de cette sportive ?

C’est une gymnaste prodige qui a révolutionné son sport, la gymnastique rythmique, en inventant des éléments corporels d’une souplesse extrême. Certains mouvements qu’elle a créés restent inutilisés aujourd’hui tant ils étaient avant-gardistes. Elle a aussi apporté une spontanéité rafraîchissante dans l’expression musicale.

Vous parlez d'un milieu de la gymnastique très corrompu, où même auprès des athlètes de haut niveau, l'achat de juges était courant. Est-ce le cas encore aujourd'hui ? Alina aurait eu cette carrière sans corruption ?

Disons qu’Irina Viner, l’entraîneure des Russes et donc de Kabaeva, a toujours imposé son pouvoir, quitte à s’inscrire dans les instances internationales et à utiliser la fortune de son mari, Alicher Ousmanov, pour s’assurer les bonnes grâces des juges. Cela dit, c’est la seule qui a eu ce pouvoir financier, les autres nations ou autres entraîneurs n’ont jamais été jusque-là. Et, pour être honnête, Alina Kabaeva n’avait pas besoin de cela. Ou à la marge, sur certaines compétitions, tant elle dominait son sport. Si je devais évoquer une compétition gangrénée par les magouilles d’Irina Viner, ce serait les Jeux Olympiques de Sydney en 2000, où Kabaeva, favorite, commet une grosse faute qui n’est pas pénalisée à sa juste valeur et obtient une médaille de bronze qu’elle n’aurait pas dû avoir. Quant à sa compatriote Youlia Barsoukova qui gagne ce jour-là, c’est vraiment parce qu’il fallait qu’une Russe gagne. Elle non plus n’aurait pas dû être sur le podium. Mais ces agissements sont révolus, le système de notation a changé pour plus d’équité.

Alina a eu une renommée avant Poutine et elle était appréciée comme une célébrité comme sportive. Cherchait-elle le pouvoir ?

Je ne crois pas. Elle aimait sa notoriété, extrêmement forte en Russie du temps de sa carrière sportive. Mais elle n’en cherchait pas davantage. Cela a même pu être envahissant et destructeur de son premier grand amour. Ce n’est donc pas une quête de pouvoir qui l’a amenée à fréquenter Vladimir Poutine et les arcanes du pouvoir.

Le couple Kabaeva-Poutine est un secret, voire un tabou. Pourquoi ? Qu'en est-il aujourd'hui ?

Le premier magazine qui a évoqué leur relation a fermé en moins d’un mois, le journaliste qui avait écrit l’article vit depuis en exil. Il faut rappeler qu’à l’époque (2008), Vladimir Poutine est toujours marié. Il s’agissait donc d’une relation adultère. Ce n’était pas la première mais celle-ci a été révélée au grand jour. Ludmilla, la femme de Poutine s’est sentie bafouée, en a appelé à l’église orthodoxe qui a toujours été un soutien fort de son mari, dès sa première élection. C’est d’ailleurs une des raisons qui explique que ce soit toujours un tabou. Même si Vladimir Poutine a divorcé en 2013, qu’il n’a donc plus d’entrave, cette relation avec une jeune femme (trente ans de différence), qui vit dans le luxe et lui a donné des enfants illégitimes, cela ne correspond pas au cadre orthodoxe, ni à l’image que souhaite renvoyer Poutine. Lui se veut l’incarnation physique du pays. Même marié, sa femme l’accompagnait peu lors des déplacements officiels parce que le président russe a toujours affirmé que les femmes des hommes au pouvoir « brouillaient » leur message politique.

Vous laissez supposer qu'elle ne travaillait pas beaucoup. Est-elle investie dans les affaires nationales de la Russie ?

Non. Elle a été nommée à la tête du plus important groupe de presse du pays, et possède à ce titre une voix forte qui relaie la propagande du gouvernement. Mais cela ne signifie pas qu’elle travaille ou est investie dans ce travail au quotidien.

Que sait-on des enfants qu'ils auraient eus ensemble ?

C’est très difficile d’avoir des vérités sur ce sujet. Officiellement, ils ne sont pas ensemble et n’ont donc pas d’enfants ensemble. En revanche, on sait qu’Alina Kabaeva a eu des enfants. Leur nombre, le sexe des enfants ? C’est un secret d’État. J’ai acquis la certitude qu’elle avait été enceinte trois fois, mais certains soutiennent que des jumeaux sont nés de son ultime grossesse. Ce qui est certain, c’est qu’un de ces enfants au moins serait un garçon. Un héritier, que n’avait pas jusque-là Vladimir Poutine, père officiellement de deux filles, mais aussi d’une 3e illégitime. Autre certitude : Vladimir Poutine a fait construire à Alina Kabaeva une maison dans l’enceinte de la résidence présidentielle située près du lac Valdaï, et qu’une aire de jeux pour enfants a été aménagée juste à côté.

Vous laissez une porte ouverte, dans votre livre, sur une possible mise en scène de la relation pour favoriser l'image d'homme viril de Poutine. Avez-vous une théorie personnelle ?

Cette mise en scène m’a été soufflée par un ami lié au FSB (services secrets). Mais ma conviction est qu’il existe bel et bien (ou a existé) une histoire d’amour entre Alina Kabaeva et Vladimir Poutine. Plusieurs témoignages que j’ai pu collecter en attestent.

Avez-vous eu peur de faire cette enquête ? Avez-vous eu des difficultés par rapport à votre métier quotidien de reporter ?

Disons que je me suis posé la question avant de m’engager dans ce projet de ce que je pouvais risquer. Mais je suis persuadée qu’étant une journaliste étrangère vivant hors des frontières russes, je ne risque rien. La seule chose, c’est qu’en accord avec mes employeurs, en l’occurrence le journal L’Equipe, il a été décidé que je ne retournerai pas en Russie, même pour un reportage officiel. Cela peut sembler excessif, et ça l’est peut-être, on pourrait aussi considérer ça comme du mauvais roman d’espionnage, mais nous parlons de la Russie, où des gens disparaissent tous les jours pour s’être exprimés contre le pouvoir. Je ne dis rien dans le livre qui soit pour ou contre, mais j’évoque un secret d’état. Et, comme je tiens à la vie, j’ai choisi la voie de la prudence.

Alina : L'amour secret, 13 septembre 2023, de Céline Nony, Arthaud ed.

Génial ! Vous vous êtes inscrit avec succès.

Bienvenue de retour ! Vous vous êtes connecté avec succès.

Vous êtes abonné avec succès à Corruptoscope.

Succès ! Vérifiez votre e-mail pour obtenir le lien magique de connexion.

Succès ! Vos informations de facturation ont été mises à jour.

Votre facturation n'a pas été mise à jour.

Privacy settings