Jeux vidéo : un nouveau champ de bataille
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Malgré une répression renforcée dans les grands ports européens, la cocaïne continue d’inonder le marché. Les trafiquants s’adaptent : au lieu d’abandonner, ils déplacent leurs routes vers des ports secondaires. Résultat : moins de saisies, mais une disponibilité toujours aussi élevée. Daniel Brombacher, directeur de l'Outil de surveillance des tendances des drogues en Europe du GI-TOC, analyse ces évolutions et leurs implications pour l’Europe. Entre adaptation des réseaux criminels, impact des politiques de légalisation et vulnérabilités croissantes du continent, il dresse un état des lieux du trafic de drogues en 2025.
Malgré l'interdiction de la culture du pavot par les Talibans en 2022, l'héroïne reste largement disponible en Europe. Quels facteurs expliquent cette continuité de l'approvisionnement ?
En Afghanistan, il existe toujours des stocks, donc l'épuisement se fait progressivement. Cependant, puisque l’héroïne et l’opium ne sont pas des produits périssables, il est possible de maintenir ces stocks pendant un certain temps. Il existe différentes estimations sur la taille des stocks mais ce que l'on observe en Europe, c'est que les routes traditionnelles de trafic restent utilisées, notamment dans les pays de l'Ouest ou dans la région des Balkans.
En même temps, sur les marchés clandestins, on trouve toujours de l’héroïne mais de mauvaise qualité. Et la qualité et la pureté sont des indicateurs clés. La pureté est souvent inférieure à 50 %, mais des rapports de police font état de saisies où la substance était censée être encore consommable alors qu'elle était largement dégradée. Cela montre que le marché perdure, mais que les stocks semblent se réduire. Toutefois, on observe encore une culture de pavot en Afghanistan et tout dépendra du comportement des Talibans : vont-ils maintenir l’interdiction ou la lever à cause du facteur humain ? Pour de nombreux agriculteurs, il s'agit de leur seule source de revenu, ce qui rend la situation plus compliquée.
Un autre point important à noter est que les prix sur les marchés locaux en Europe ne connaissent pas de changements majeurs, mais que sur le marché de gros, ils ont augmenté. Cela pourrait indiquer une pénurie imminente.
Cette tendance suggère-t-elle une pénurie imminente ou une évolution des méthodes de distribution ?
Oui, c’est la grande menace dont tout le monde parle en Europe. Mais bien que le nombre de cas signalés soit inférieur aux prévisions, il existe des tentatives de contamination de certaines substances en utilisant d’autres opioïdes, comme le fentanyl ou le nitazène. Ces composants sont puissants et beaucoup plus dangereux. Tout le monde surveille cette situation de près, notamment en Amérique du Nord où des consommateurs ont ingéré des substances extrêmement puissantes sans le savoir. Ce phénomène entraîne une augmentation du trafic de médicaments sur ordonnance. Nous l’avons observé mais ce n'est pas encore un énorme phénomène.
Vous parlez d’un trafic croissant des opioïdes sur ordonnance. Pourquoi ces substances attirent-elles si peu l’attention des forces de l’ordre ?
Le problème vient du fait qu'elles n’appartiennent pas aux marchés traditionnels de la drogue. La répression s’est toujours concentrée sur le trafic en gros de substances d’origine végétale, comme la cocaïne ou l'héroïne, qui passent par les contrôles aux frontières et les douanes.
Le marché des médicaments sur ordonnance fonctionne presque exclusivement en ligne. Il échappe donc aux systèmes de surveillance habituels, et il y a très peu d’interactions entre les consommateurs et les autorités. Même les services de santé et les organismes de lutte contre la drogue n’y prêtent pas suffisamment attention.
Si l'on observe ces marchés en ligne en Europe, il est frappant de constater à quel point ils sont accessibles. Il est extrêmement simple de trouver des fournisseurs de pilules comme l’oxycodone ou les benzodiazépines via des plateformes comme Telegram, en moins d’une minute. Ces substances peuvent être livrées directement à domicile, ce qui les rend très difficiles à contrôler pour la police.
La majorité des consommateurs des drogues sous prescription sont des jeunes adultes. Ces médicaments sur ordonnance sont devenus une porte d’entrée vers la consommation de drogues, sans que cela attire l’attention des autorités.
Avec une surproduction de cocaïne en Amérique du Sud, comment le marché européen est-il impacté en termes de disponibilité, de prix et de violence associée ?
Depuis dix ans, la disponibilité et la pureté de la cocaïne n’ont cessé d’augmenter en Europe constamment. Pourtant, les prix sont restés relativement stables. Tous les indicateurs du marché noir ont été à la hausse sur cette période.
Cependant, l’an dernier, une première tendance inverse a été observée : les saisies dans les principaux ports européens ont diminué, et la pureté de la cocaïne a légèrement diminué pour la première fois en dix ans. Cela peut être interprété comme un déplacement des routes du trafic. Les trafiquants évitent désormais les grands ports comme Rotterdam et Anvers, qui ont renforcé leurs contrôles, et privilégient des ports secondaires, parfois même en mer Baltique ou en Méditerranée. Cela montre que la répression pousse le trafic à s’adapter, sans pour autant le réduire.
Par ailleurs, la consommation de crack est en forte augmentation en Europe, notamment depuis la pandémie de COVID-19. Autrefois limitées à certaines villes comme Hambourg ou Francfort, les populations de consommateurs de crack se sont multipliées dans toute l’Allemagne, ainsi qu’en France, en Italie et dans d’autres pays d’Europe de l’Ouest.
La consommation de crack est en hausse en Europe. Quels sont les facteurs qui expliquent cette tendance ?
Le crack est une forme fumable de cocaïne, facile à produire localement. Beaucoup s’attendait même à une explosion bien avant. Il n'existe pas de marché de gros pour le crack : il est transformé localement, à partir de la cocaïne, par des trafiquants. Donc la forte disponibilité de la cocaïne a créé ce boom de crack. Ce mode de consommation est particulièrement addictif et a contribué à la croissance du marché. Son accessibilité et son faible coût (environ 5 euros la dose) expliquent son succès.
Comment les initiatives de légalisation partielle du cannabis dans certains pays européens affectent-elles les marchés illégaux et les dynamiques criminelles ?
Certains médias et politiciens affirment que la légalisation du cannabis en Allemagne a entraîné une hausse de la violence, mais aucune preuve ne permet d’établir ce lien pour l’instant.
L’Allemagne a mis en place un modèle basé sur des "clubs de cannabis" et l’auto-culture. Cependant, la mise en place de ces clubs prend du temps, et les réglementations sur l’auto-culture restent floues. Cela crée une période d’incertitude qui pourrait être exploitée par le marché noir.
L’Europe centrale devient progressivement une zone de tolérance pour le cannabis, avec l'Allemagne, les Pays-Bas et la République tchèque qui adoptent des approches plus libérales. Cependant, on manque encore de données pour savoir si cette évolution entraînera une augmentation de la consommation ou un remplacement progressif du marché noir par une offre légale.
Par ailleurs, les récentes violences en Allemagne liées au crime organisé ne semblent pas directement liées à la légalisation du cannabis. Ces conflits relèveraient plutôt des luttes de territoires classiques entre groupes criminels.
Quels sont les pays européens les plus vulnérables face aux évolutions actuelles du marché de la drogue ?
L’Europe est particulièrement exposée aux grandes tendances du marché mondial de la drogue car c’est un continent très ouvert. Il est impossible de contrôler toute la zone. Le continent est la principale destination de la surproduction actuelle en Amérique du Sud.
On observe aussi des changements de politiques sur le cannabis : ils modifient l’économie du marché noir sans qu’on en mesure encore les effets. En matière d’héroïne, les consommateurs européens pourraient se retrouver sans accès à cette drogue, ce qui pourrait les pousser vers des substituts plus dangereux. L’explosion du marché des drogues de synthèse et des médicaments détournés échappent encore largement au contrôle des autorités et sont de plus en plus disponibles en ligne.
Et puis, la guerre en Ukraine influence le marché des drogues en Russie et dans les pays voisins, avec des effets secondaires sur l’ensemble du continent.
L’ensemble de ces tendances combinées font de l’Europe une région particulièrement vulnérable face aux transformations du marché mondial de la drogue.
Pour découvrir le rapport complet de l'Initiative mondiale contre la criminalité transnationale organisée GI-TOC
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