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Dans une interview avec Simon Persico, spécialiste des partis politiques et directeur de Sciences Po Grenoble, plusieurs questions cruciales sur l'influence des partis politiques sur les politiques publiques, l'évolution sociologique de l'électorat, et le financement des partis en France sont abordées. Selon Simon Persico, bien que l'influence des partis soit réelle, elle est également limitée par de nombreux facteurs institutionnels et sociaux.
Dans quelle mesure les partis politiques influencent-ils réellement les politiques publiques une fois au pouvoir ?
Ça dépend un peu de la manière dont on pose la question. Si on la pose en termes de savoir si les activités gouvernementales sont dirigées par les programmes et les idéologies partisanes, la réponse est un mélange : il y a une influence, mais elle n’est pas totale. Les partis au pouvoir ont un impact, et on peut citer de grandes réformes passées dans l’histoire qui sont liées à leurs idéologies et programmes. Toutefois, une grande partie de l’activité gouvernementale consiste à gérer des situations imprévues ou des enjeux qui dépassent le cadre du débat partisan.
L’État français, comme les collectivités territoriales, fonctionne dans des cadres institutionnels qui limitent la marge de manœuvre totale. Par exemple, si un gouvernement voulait appliquer une politique économique très inspirée du modèle canadien, ce serait difficile en raison des règles européennes qui imposent certaines contraintes.
Cela dit, on observe tout de même des orientations spécifiques selon les gouvernements. Depuis l’élection d’Emmanuel Macron en 2017, certaines politiques publiques mises en place ont une nature particulière. Par exemple, face au COVID, des dépenses importantes ont été engagées, mais, de manière plus générale, la politique menée a été favorable au monde de l’entreprise, avec notamment une baisse de la fiscalité, en particulier sur le patrimoine.
Quelles différences majeures observez-vous dans l’influence des partis selon les contextes institutionnels (systèmes parlementaires vs présidentiels, par exemple) ?
L’influence des partis varie également selon les contextes institutionnels, qu’il s’agisse d’un régime parlementaire ou présidentiel. Les travaux en sciences politiques, notamment ceux que j’ai menés avec ma collègue Isabelle Guinaudeau, ont étudié la réalisation des promesses électorales. Nous avons listé toutes les promesses contenues dans les programmes électoraux et vérifié lesquelles étaient mises en place une fois au pouvoir. On constate que les régimes majoritaires, où le Premier ministre dispose d’une majorité absolue, permettent une plus grande réalisation des promesses. Par exemple, le Royaume-Uni, avec son système parlementaire majoritaire, affiche un taux élevé de promesses tenues, car un seul parti gouverne. En revanche, dans un gouvernement de coalition, les politiques publiques mises en œuvre doivent répondre aux compromis passés entre les partis.
Les nouvelles technologies, comme les plateformes de suivi citoyen des promesses, modifient-elles la façon dont les partis sont tenus responsables ?
En ce qui concerne l’impact des nouvelles technologies et des réseaux sociaux sur la réalisation des promesses, il n’y a pas de consensus clair dans la littérature scientifique. On observe toutefois une complexification de l’activité gouvernementale, due notamment à l’intégration européenne et à la montée en puissance d’acteurs privés, y compris dans le domaine des nouvelles technologies. Ces acteurs influencent parfois la capacité des États à mettre en place certaines politiques, ne serait-ce que parce qu’ils détiennent des plateformes essentielles à la communication avec les citoyens.
Les réseaux sociaux ont cependant un effet sur l’agenda politique : ils amplifient certains sujets et rendent plus difficile pour les gouvernements d’ignorer certains phénomènes sociaux. On le voit, par exemple, avec l’influence de faits divers très médiatisés sur l’adoption de certaines lois. Mais cette dynamique n’est pas totalement nouvelle : des travaux datant de 1997, bien avant l’essor des réseaux sociaux, montraient déjà que certains événements polarisants captaient l’attention du gouvernement.
Quant à la question de savoir si les citoyens sont plus exigeants vis-à-vis des promesses électorales, on observe surtout qu’il y en a de plus en plus dans les programmes et que leur suivi est plus fréquent, notamment par les journalistes et les chercheurs. Cependant, il ne faut pas surestimer l’intérêt des citoyens pour le respect exact des promesses. Beaucoup suivent la politique d’assez loin et ne s’intéressent réellement qu’aux mesures ayant un impact direct sur leur quotidien.
Il n’y a pas d’effet buzz sur la réalisation des programmes électoraux ?
Le taux de réalisation des promesses ne diminue pas de manière drastique. D'année en année, c’est relativement stable. On estime qu'il y a environ un peu plus de la moitié des promesses électorales tenues.
Ce qui est sûr c'est que c'est peut-être plus dur qu'avant pour des responsables politiques, pour un gouvernement, de faire la sourde oreille à des phénomènes sociaux qui reçoivent beaucoup d'attention. On peut observer des lois qui sont associées à des faits divers qui marquent beaucoup l'opinion publique, par exemple. Mais ce n'est pas nouveau. Il y avait un ouvrage à ce sujet en 1997, donc bien avant les réseaux sociaux et cette logique du buzz.
La gauche et la droite ont le même sens ?
Concernant la pertinence des notions de gauche et de droite, elles existent toujours, même si leur contenu évolue avec le temps. Historiquement, elles datent de la Révolution française, où les députés favorables à la fin des privilèges siégeaient à gauche et ceux soutenant la monarchie absolue à droite. Aujourd’hui, ces enjeux ne sont plus les mêmes, mais on retrouve toujours une opposition entre positions conservatrices et progressistes.
Si on analyse les positions des partis sur des thèmes comme l’immigration, l’insécurité, les impôts ou l’environnement, on peut toujours les situer sur un axe gauche-droite. Les électeurs parviennent également à classer les partis sur ces sujets, même si certains refusent désormais de se positionner. Le discours d’Emmanuel Macron, par exemple, a contribué à brouiller cette distinction en affirmant qu’elle n’avait plus de sens. Pourtant, dans l’organisation de l’Assemblée nationale, les partis restent classés par nuances de gauche et de droite.
On observe cependant une évolution sociologique de l’électorat. Jadis, la gauche était fortement associée aux classes populaires et ouvrières, mais celles-ci ont en partie déserté ces partis, notamment en raison du déclin du syndicalisme et des transformations économiques. Aujourd’hui, le paysage politique français peut être divisé en trois grands pôles :
La droite radicale a réussi à séduire une partie des classes populaires en axant son discours sur les questions d’identité, d’immigration et de sécurité. Cela a contribué à transformer la sociologie de son électorat.
On observe une élite économique qui partage un même parti avec des libertariens et des classes ouvrières. C'est effectivement plus prégnant aux États-Unis , mais est-ce une véritable évolution ?
La composition sociologique des parties a toujours été mixte. Les partis ont toujours été des organisations qui rassemblent différents publics avec des profils sociologiques qui ne sont pas forcément parfaitement homogènes. Alors évidemment, jadis la gauche représentait plutôt la classe qu'on dit ‘classe ouvrière’. Mais cette complexité a toujours existé. Peut-être s’est-elle un peu renforcée, notamment avec les classes populaires qui désormais en partie abandonné la gauche. Dans certains bastions ouvriers, des gens à faibles revenus se sont tournés vers la droite radicale.
Cependant, la France insoumise continue de faire des bons scores quand même dans les centres urbains. Vous retrouvez quand même les grands traits sociologiques à l'intérieur de ces électorats. Ce n'est pas parfaitement homogène évidemment mais, par exemple, si vous êtes plutôt âgé avec un niveau de revenu élevé, vous avez beaucoup plus de chance d'être dans le pôle libéral mondial. A l'inverse si vous êtes assez jeune, éduqué, vous avez plutôt tendance à être dans le pôle urbain, éco-socialiste. Et si vous êtes péri-urbain, plutôt classe populaire, avec un faible niveau d’éducation, vous avez beaucoup plus de chances vous êtes dans le pôle conservateur identitaire.
Selon Katz et Mair, sur la question du financement des partis politiques, on est passé de partis de masse, financés par leurs adhérents, à des partis plus dépendants des subventions publiques. Le financement politique a-t-il donc plus d'importance aujorud'hui ?
Il faut toutefois nuancer cette idée, car certains partis n’ont jamais été des partis de masse. Par exemple, les partis conservateurs ont toujours bénéficié du soutien des élites économiques, tandis que les partis de gauche et chrétiens-démocrates en Europe du Nord s’appuyaient davantage sur leurs membres.
Aujourd’hui, le financement public constitue la principale source de revenus des partis, via le remboursement des campagnes électorales et le financement proportionnel aux résultats des élections législatives. Cette évolution a conduit à ce que certains chercheurs appellent la "cartellisation" des partis, où ces derniers deviennent plus dépendants de l’État que de leurs adhérents.
On peut cependant considérer que ce modèle est plus sain que le financement privé dominant aux États-Unis ou en Angleterre, où l’argent joue un rôle bien plus central dans la vie politique. La France est plutôt un pays dans lequel le financement politique est faible, si on regarde les sommes totales allouées à la vie politique du pays. Il y a un enjeu important d'assurer l'égalité de la concurrence, enfin en tout cas l'équité, la justice, pour que la concurrence soit équitable.
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