Trafic d’animaux sauvages : comment les réseaux sociaux sont devenus le nouveau terrain des trafiquants
Le trafic d’animaux sauvages, un des marchés illégaux les plus lucratifs au monde après les drogues et les armes,
Le trafic d’animaux sauvages, un des marchés illégaux les plus lucratifs au monde après les drogues et les armes, reste un fléau méconnu aux conséquences dévastatrices : effondrement de la biodiversité, criminalité organisée, risques sanitaires et violences systémiques. Porté par les réseaux sociaux, alimenté par une demande croissante d’animaux « exotiques » et facilité par des lacunes juridiques, ce trafic tentaculaire interroge notre rapport au vivant et notre responsabilité collective. Anaïs Therond, entrepreneuse engagée et militante contre la criminalité environnementale sur les réseaux sociaux, en révèle les mécanismes et les enjeux.
Pourquoi le trafic d’animaux sauvages en ligne est-il un enjeu majeur aujourd’hui, selon vous ?
Selon les rapports (du Sénat, de l’IFAW, de TRAFFIC…) on parle du troisième, voire du quatrième trafic le plus lucratif au monde. Pourtant, c’est un sujet méconnu, même par des personnes sensibilisées aux enjeux environnementaux. Cela illustre la méconnaissance globale du sujet. On parle de criminalité environnementale, avec un impact direct sur la biodiversité. Pour moi, l’enjeu, c’est que le trafic d’animaux sauvages est souvent perçu comme un épiphénomène, alors qu’il est en réalité globalisé, organisé, extrêmement lucratif, tentaculaire et protéiforme. En le considérant comme un simple phénomène, on passe à côté de son ampleur colossale.
Si on parle du trafic en lui-même, on évoque des chiffres qui peuvent atteindre 23 milliards de dollars par an, mais comme tous les trafics illégaux, on ne connaît que la partie visible de l’iceberg. Cela laisse présager une réalité encore plus importante. En termes d’impact concret, il y a évidemment la menace sur la biodiversité, notamment pour les espèces les plus menacées. Il y a aussi des impacts en termes de crime organisé, car ce trafic alimente d’autres crimes qui peuvent avoir des conséquences colossales sur l’État de droit, la sécurité nationale et les enjeux internationaux.
Ce trafic pose également des questions de violences protéiformes : violence physique envers ceux qui luttent contre ce trafic, comme les éco-gardes ou les lanceurs d’alerte, mais aussi des violences économiques envers certains pays pillés au profit d’autres. Il y a aussi des violences systémiques, avec des enjeux de corruption massifs, même dans des États où on pense que la corruption est moins visible. Enfin, il y a une violence environnementale envers les animaux, qui est souvent sous-estimée, car on a du mal à considérer les animaux et le vivant à leur juste valeur.
Quels sont les animaux les plus touchés par ce trafic ?
Cela dépend des trafics. Il y a le trafic d’espèces végétales, comme le bois, avec des essences très recherchées sur les marchés illégaux. Pour les espèces animales, on distingue les animaux morts, comme l’ivoire ou les cornes de rhinocéros, la viande de brousse, comme celle de singe, de pangolin ou de petits mammifères. À l’aéroport Charles de Gaulle, par exemple, on parle de plus de 9 tonnes de viande de brousse saisies par semaine, et ce n’est qu’une micro-estimation par rapport à la réalité.
Pour les animaux vivants, les reptiles, les oiseaux sont particulièrement trafiqués. Il y a aussi les primates ou les félins qui ont beaucoup de succès. Mais il y a aussi des espèces moins « emblamatiques », comme les papillons, les fourmis ou les tortues d’Hermann. Le trafic d’espèces vivantes concerne presque toutes les espèces, avec une pression accrue sur les plus rares, car plus une espèce est menacée, plus elle devient convoitée, et plus son prix explose.
Quelles sont les principales zones concernées ?
Il faut décentraliser le regard. L’Europe, et particulièrement la France, est une plateforme centrale en raison de sa position géographique, de son rôle géopolitique, de son trafic aérien massif et de sa biodiversité dans les territoires ultramarins. Les ressources viennent souvent des pays du Sud, car ce sont les seuls endroits où il reste une biodiversité dite « sauvage ». Mais en Europe, il y a aussi des enjeux de trafic d’espèces sauvages. Par exemple, en Vendée, dans d’autres pays d’Europe comme la Belgique ou l’Espagne, il y a eu des trafics de civelles, ces jeunes anguilles dont le prix au kilo explose pour alimenter les marchés asiatiques.
L’Europe est aussi un acheteur majeur d’animaux exotiques et sauvages. Il y a même une dimension culturelle et, que moi je considère presque néocoloniale : posséder des animaux sauvages reflète une vision capitaliste du vivant, où tout peut s’acheter, tout posséder, tout avoir. D’autant plus que l’on a vidé notre biodiversité nationale, alors on va la voler ailleurs. Les Européens sont d’ailleurs parmi les plus friands de certains animaux, parfois plus que d’autres pays.
Qui sont les acheteurs ?
C’est compliqué, car il y a plusieurs catégories de profils. Moi, je suis plus spécialisée sur la question des réseaux de trafic en ligne, qui est un sujet déjà tentaculaire. On a les collectionneurs, les animaleries, les zoos privés, les touristes, et surtout, de plus en plus, les créateurs de contenu sur les réseaux sociaux. Ces derniers exploitent les animaux pour produire des contenus lucratifs, brouillant les repères sur la relation entre humains et animaux. Leur influence est énorme, notamment auprès des jeunes, et leur business model repose sur la viralité de ces contenus.
Est-ce que les réseaux sociaux ont amplifié le trafic en ligne ?
Je pense qu’il y a deux volets. D’abord, la vente en ligne : les réseaux sociaux ont été un canal d’accélération de la vente d’animaux sauvages et de contrôle de ces annonces. Ensuite, il y a la promotion et la création de contenu avec ces animaux. C’est un axe plus nouveau et complexe, car les algorithmes sont opaques et les modes de rémunération aussi. Les gens ne voient pas le mal dans ces contenus, car ils ont créé un lien de confiance avec les influenceurs qui les manipulent assez aisément. Tous les autres discours, notamment scientifiques ou militants, sur la réalité derrière ces contenus deviennent alors difficiles à entendre.
Pour moi, la création de contenu est centrale, car petit à petit, leur business ne reste pas que virtuel, elle s’ancre aussi dans la réalité. Par exemple, ils créent du merchandising, plusieurs comptes sur les réseaux pour les animaux (donc plusieurs leviers de rémunération, et même des faux sanctuaires, où ils font payer les gens pour des selfies, des moments avec ces animaux, souvent issus du trafic. Ils vont les présenter comme des lieux de sauvetage grâce à un storytelling bien rodé, alors qu’en réalité, ce sont des zoos privés. Ils vont faire payer les gens, allant jusqu’à ouvrir des cagnottes en disant : « Aidez-moi à sauver les animaux, à ouvrir un sanctuaire », alors qu’en réalité, il s’agit d’un zoo privé où l’on paie pour faire des selfies, ou des séances de 15 minutes avec un petit chimpanzé, un petit lion. Tout ça pour prendre une photo ou une vidéo, et la poster sur les réseaux. Donc, petit à petit, leur business virtuel s’ancre aussi dans la vie réelle.
Qui sont les principaux acteurs de ce trafic ?
Ce qui est difficile, comme pour tout trafic, c’est que c’est une chaîne longue, internationale, connectée avec des porosités vers le trafic de drogue, d’armes, et parfois même le terrorisme. Il est difficile d’avoir une vision claire de toute la chaîne. En revanche, il y a quand même des têtes de réseau, souvent basées en Asie, mais pas seulement, car l’Europe est aussi un espace géographique central. Il y a aussi ceux qui prennent le plus de risques physiques et juridiques, (même si la corruption et les lacunes juridiques limitent ces risques dans certains pays) : ce sont les chasseurs, les braconniers sur le terrain, souvent dans des situations de grande précarité économique et sociale. Ils gagnent très peu sur l’animal braconné, comparé aux têtes de réseau qui, elles, gagnent beaucoup plus.
Il y a aussi le rôle des intermédiaires, directs ou indirects, notamment les transporteurs, maritimes, aériens, et routiers. On voit de plus en plus l’essor des petits colis, où on pense trouver une boîte de chaussures, alors qu’en réalité, ça peut être une petite araignée, des fourmis, ou autre. Donc, il y a un vrai sujet sur les intermédiaires de transport. On trouve aussi d’autres acteurs, comme les espaces de contrôle (les administrations, les forces de contrôle, les douanes internationales...) potentiellement corrompus tout au long de la chaîne.
Par exemple, si l’on analyse certaines opérations de saisie, on observe qu’elle concerne plusieurs pays, avec une grande variété d’acteurs, et plus d’une centaine de personnes arrêtées. C’est donc un phénomène tentaculaire, et ce qu’il faut comprendre, c’est que ce trafic peut être en confrontation avec d’autres trafics, comme la contrebande, la drogue, et parfois le terrorisme. Cela rend les choses encore plus difficiles. En revanche, à l’inverse des trafics de drogue, le trafic d’espèces sauvages est lucratif et les peines sont plus faibles, ce qui le rend d’autant plus intéressant pour les criminels.
Quels sont les impacts directs de ce trafic sur la biodiversité et les écosystèmes ?
Prenons un exemple que je connais assez bien, car je travaille beaucoup avec cette espèce dans d’autres associations : pour capturer un bébé chimpanzé, il faut tuer 10 adultes, car toute la famille défend le petit. Les chimpanzés sont des animaux extrêmement organisés, sensibles et intelligents, même si les gens l’oublient souvent. Donc, pour te donner une idée, une espèce comme celle-ci, déjà extremement menacée, voit un nombre colossal d’adultes tués pour un seul bébé récupéré. Qui a d’ailleurs de grande chance de lui-même mourir pendant son transport, ils sont souvent désastreuses (dans un sac à dos, un carton, un sac plastique…)
Il y a des impacts très concrets : cela annule les efforts de conservation menés un peu partout. Cela crée des dysfonctionnements dans les chaînes alimentaires et vis-à-vis de la biodiversité génétique. En effet, si certaines espèces disparaissent, tout se dérègle. Pour moi, la biodiversité, c’est le vivant, le vivant non humain (les animaux, les végétaux, etc.), mais c’est aussi le vivant humain. Quand je regarde les impacts sur les communautés locales, c’est aussi crucial, car le pillage de leurs ressources les empêche de se développer économiquement, par exemple autour du tourisme ou de la richesse de leur biodiversité.
Et au fur et à mesure, cette exploitation illégale des ressources crée des perturbations dans tous les écosystèmes. Plus ces perturbations sont importantes, plus la résilience des territoires s’affaiblit, et plus cela crée une vulnérabilité face au changement climatique.
Est-ce qu’il y a eu des répercussions sur la santé publique ? Le Covid est un bon exemple.
Le Sénat a rendu public un rapport à ce sujet, parlant de "bombes à retardement", car c’est un risque majeur, notamment avec le trafic d’animaux morts. Il parle aussi de course contre la montre, car cela crée des risques de zoonoses et d’épidémies animales. Les conséquences peuvent être hyper importantes, et les gens ne se rendent pas compte que les animaux arrivant illégalement, qu’ils soient morts ou vivants, comportent tous des risques. Comme ils sont illégaux, ils échappent aux contrôles sanitaires ou vétérinaires. Et comme l’intérêt des gens est de les posséder, cela signifie créer de l’interaction avec eux, ce qui multiplie encore plus les risques de transmission de maladies. C’est particulièrement problématique dans les aéroports comme Charles de Gaulle, et ce qui est alarmant, c’est qu’on ne s’intéresse pas à ce sujet avec la justesse qu’il mérite.
Et que fait-on des animaux saisis à l’aéroport ?
C’est un vrai débat. À Charles de Gaulle, par exemple, il y a un espace où les animaux saisis sont placés en attendant de décider de leur sort. Je casse directement le mythe selon lequel on les renvoie dans leur pays, qu’ils vont être réintroduits et retrouver leur écosystème. La belle histoire que l’on aimerait entendre. La vérité, c’est qu’ils sont souvent euthanasiés, et pour certains, quand c’est possible, ils peuvent être récupérés dans des sanctuaires ou des refuges, ou des zoos. Mais dans tous les cas, ce sont des solutions précaires, car ces refuges manquent cruellement de moyens humains et économiques pour faire face à cet afflux.
Et surtout, cela ne répond pas aux questions de bien-être animal. Un animal saisi, comme un petit singe, peut se retrouver seul dans un refuge, sans jamais revoir de congénère, avec un climat qui n’est pas le sien. Donc, en termes de bien-être, on n’y est pas, et on n’y sera jamais quand on parle de trafic. Il y a quelques cas où, par exemple, certains félins sont renvoyés dans des sanctuaires en Afrique du Sud, mais dans un sujet comme celui-ci, c’est anecdotique.
Il y a une histoire qui m’a vraiment marquée : une espèce de gecko, un lézard, a été découverte en Thaïlande fin 2024, et les premières traces de son trafic ont été retrouvées en avril 2025. Elle n’a même pas eu le temps d’être considérée comme une espèce par la CITES (Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction) qu’elle était déjà sur le marché du trafic d’espèces sauvages. Et encore une fois, comme la course est toujours au plus rare, au plus exotique, cela met toujours plus de pression sur les espèces.
Quelles sont les mesures mises en place par les plateformes (Facebook, Instagram, eBay, etc.) pour lutter contre ce trafic ? Sont-elles efficaces ?
Sur le côté vente, il y a des coopérations avec les plateformes, des coalitions où tu as le WWF, IFAW, TRAFFIC et les plateformes qui travaillent ensemble. Mais c’est vraiment limité en termes d’impact et de résultats finaux. Même si les annonces peuvent être supprimées, cela ne signifie pas qu’on sache exactement qui était derrière, et cela n’empêche pas la personne de recréer un compte et de remettre l’annonce en vente. C’est donc quand même complexe, d’autant plus que sur les plateformes de réseaux sociaux, tu as Facebook, Instagram, mais aussi Telegram, Snapchat, qui sont encore plus opaques et moins collaboratives.
Et sur le contenu lié au trafic d’espèces, comme je l’appelle, c’est encore plus vide intersidéral, car ces contenus, aujourd’hui catégorisés comme "mignons", ne sont pas considérés comme problématiques par la modération d’Instagram ou de Tik Tok, par exemple. Ils ne rentrent pas dans la case de la maltraitance, car pour que ce soit considéré comme tel, il faudrait qu’il y ait des coups, du sang, bref les images que l’on associe a de la maltraitance physique etc. Ce n’est pas non plus considéré directement comme de la vente illégale d’animaux, car ce n’est pas présenté comme "je vends tel animal", mais plutôt comme "je le mets en scène".
Il y a donc un vide sur le sujet, et je pense que ce n’est pas vraiment dans l’intérêt des plateformes de s’y intéresser. Pourquoi ? Parce que l’algorithme est très favorable à ces contenus très sensationnels. Les gens adorent ce type de contenu. D’autant plus quand il met en scène des bébés animaux avec des enfants, ou qu’il raconte des belles histoires auxquelles on a envie de croire.
Les plateformes ont donc un intérêt économique à voir ce type de contenu se développer. Mais, et c’est tout mon travail de plaidoyer, elles doivent prendre leur responsabilité car elles participent à un phénomène aussi illégal que grave.
Quels sont les principaux obstacles à l’éradication de ce trafic (manque de moyens, législation insuffisante, etc.) ?
Cela dépend encore une fois si on parle du trafic sur le terrain ou des contenus en ligne. Sur le terrain, il y a des choses qui existent, mais il y a un énorme besoin de renforcer l’aspect juridique et surtout l’application de la loi. Les différentes parties prenantes qui oeuvrent sur le terrain manque de moyens financiers et humains. Typiquement, si on regarde certains aéroports, on est dans l’incapacité de contrôler avec justesse et efficacité l’ensemble des bagages et des passagers. Il y a un flux qui est tel, encore plus avec l’accroissement du tourisme, qu’il est impossible de tout contrôler.
Il y a aussi un manque de volonté politique sur le sujet sujet. Les peines sont trop faibles, donc il n’y a pas de dissuasion réelle. Et puis, il y a la corruption.
Et enfin, il y a selon moi, un obstacle très important et qui concerne un aspect moral et culturel : notre relation au vivant. Comment considère-t-on les animaux sauvages ? Ce trafic, et ces contenus aussi, installent l’idée qu’il est normal de posséder un animal sauvage, qu’un animal sauvage peut être un animal de compagnie. Les réseaux sociaux ne font que poursuivre cette idée, déjà présente dans certains films ou séries, comme Friends, où les petits singes étaient à la mode. C’est cet imaginaire selon lequel on peut tout posséder, tout acheter, tout domestiquer, tout dominer. Il y a donc un obstacle de fond sur notre relation au vivant, et c’est un vrai sujet. Cela crée une confusion entre les animaux domestiques et les animaux sauvages. Dans mes combats, beaucoup de gens me demandent : "Quelle est la différence entre un chimpanzé et un chien ?" Cela montre d’où on part en termes de connaissances et de relation au vivant.
Et la loi française autorise-t-elle la possession d’animaux sauvages ?
Non, il est interdit d’avoir des animaux sauvages (sauf cas des zoos ou de certaines organisations), mais en tant que particulier : c’est interdit. Donc attention aux influenceurs qui arguent des faux certificats de détention.
En revanche, tout dépend aussi de ce qu’on considère comme animaux sauvages. Par exemple, si on prend l'exemple des NAC( nouveaux animaux de compagnie.) comme les oiseaux, les reptiles, poissons etc. certains sont légaux.
On touche ici à un autre enjeu selon moi : on parle de trafic illégal, mais il faut aussi déplacer le sujet sur ce qui est éthique.
On parle de trafic illégal d’espèces, c’est important, mais il y a aussi un trafic légal d’espèces, et pour moi, il est tout aussi problématique. Parce que les deux s’entremêlent. En plus, cela crée des enjeux liés à la fraude, car souvent, le trafic légal d’espèces sert de blanchiment au trafic illégal d’espèces. Et au global, le message reste le même : « Vous pouvez posséder un serpent dans votre appartement, vous pouvez posséder un oiseau, même si on va lui couper certains membres pour qu’il ne puisse plus jamais voler, mais vous pouvez l’avoir chez vous. »
Donc, en fait, il y a un enjeu de fond : rappeler qu’on ne peut pas dominer les espèces sauvages et qu’on ne peut pas les posséder.
C’est quoi que vous entendez par « trafic légal » ?
C’est un abus de langage, plus ou moins provocant, plus ou moins volontaire. En fait, je parle du commerce légal d’animaux sauvages.Le commerce d’espèces sauvages, par exemple, quand on va dans une animalerie et qu’on achète un petit oiseau, un serpent ou des araignées. En revanche, il y a un travail mené par beaucoup d’ONG, notamment dans le cadre de la Loi maltraitance, pour passer de ce qu’on appelle une « liste négative », c’est-à-dire la liste des espèces qu’on ne peut pas posséder ou acheter, à une « liste positive », où seules les espèces qu’on peut avoir sont autorisées, et donc, de facto, tout le reste ne l’est pas.
Cela voudrait dire que quand une nouvelle espèce arrive sur le marché, on ne peut pas la posséder par défaut. C’est un travail très long, et un travail qui rencontre beaucoup de résistances, notamment de la part de certains lobbies.
Est-ce que vous auriez des solutions concrètes à apporter ?
Si l’on réfléchit au niveau individuel, et compte-tenu de l’aspect tentaculaire du trafic d’espèces sauvages, on peut légitiment se demander parfois quel est le lien avec nous ?
En réalité, le lien avec soi, il est direct :
Niveau 1, j’ai envie de dire assez logiquement : ne pas acheter d’animaux sauvages. De ne pas liker ni partager ces contenus sur les réseaux sociaux. Ne pas les alimenter, et sensibiliser les autres autour de nous, car souvent, nos amis ou notre famille nous envoient ces contenus en disant : « C’est rigolo, c’est mignon. » Là, c’est une opportunité de délivrer un message, car ces contenus n’existent que parce qu’ils sont viraux et aimés.
Si les créateurs de contenu n’ont pas de visibilité ni de soutien en ligne, c’est beaucoup moins intéressant économiquement pour eux. Donc, l’action individuelle, que nous avons avec nos likes et notre comportement en ligne, est un véritable pouvoir. Le coût du changement est quand même très faible : c’est de ne pas liker. Il ne me semble pas que l’effort à fournir soit insurmontable.
Ensuite, à notre échelle, on peut soutenir les associations de réhabilitation qui récupèrent in situ ou ex situ ces animaux issus du trafic. Il y en a un peu partout dans le monde, en France aussi. Ces associations ont besoin de financement et de soutien.
Et puis, je pense que le vrai changement, c’est aussi d’armer notre esprit critique face aux contenus en ligne. On consomme ces contenus à la chaîne, on scrolle, on scrolle, mais il faut s’armer à se demander devant chaque contenu : "Comment est-ce possible qu’un petit singe se retrouve dans un canapé avec un short de foot ou une canette ?" Il y a une réflexion de fond à avoir.
Pour aller plus loin aussi sur nos moyens d’agir au niveau individuel et collectif, je suis en train de créer un outil très simple où les gens pourront me signaler les URL des contenus problématiques qu’ils trouvent dans leur feed. Comme ils ne peuvent pas être signalés auprès des plateformes qui ne les sanctionnent pas, cela me permettra de faire de la veille, d’avoir des données plus solides, plus quantifiées, plus scientifiques sur le sujet. L’objectif est de pouvoir faire un rapport d’état des lieux de ces contenus les contenus des réseaux sociaux : de quoi parle-t-on, quels comptes, quelles espèces sont les plus représentées, et quel storytelling est utilisé etc.
Ce rapport servira à faire du plaidoyer auprès des politiques, des plateformes, du grand public et d’avoir un état de l’art précis :
Je prends ce sujet très au sérieux car pour moi ces contenus ne sont que le symptome de notre ère actuelle, notamment sur les réseaux sociaux. En effet, pour moi, ils participent à une désinformation globale, une manipulation, de l’escroquerie aussi souvent. Donc au delà des impacts colossaux pour la biodiversité, il y a aussi de vrais enjeux derrière, en termes de qualité de l’information, et donc, d’une certaine manière, de santé du débat public, des citoyens.